Des idées innovatrices
Esthétique (coiffure, facial, épilation, etc.), massage suédois professionnel, bronzage UVA et électrostimulation sont maintenant les services quotidiens qu’un client peut recevoir chez Physotech Plus. C’est un institut de beauté à la « Lise Watier » servant presque exclusivement la clientèle gaie de Montréal et des environs. Si les femmes ont appris à prendre soin de leur corps depuis l’Antiquité, il en est tout autrement pour les hommes. Même les grandes maisons de produits de beauté ne se sont attardées à la clientèle masculine que récemment. Pendant des années, elles n’offraient que des eaux de Cologne et des après-rasages plus ou moins décapants… C’est donc lors de vacances à Miami que MM. Veilleux et Lacroix ont visité un centre où l’électrostimulation des muscles était à l’honneur pour les hommes. Presse
L’idée se concrétise
L’idée germe alors dans leur tête d’ouvrir quelque chose de similaire à Montréal et d’y rajouter graduellement d’autres services. À leur retour à Montréal, ils engouffrent presque toutes leurs économies pour louer un local sur Jean-Talon, au coin de Lacordaire, et pour acheter les machines d’électrostimulation, soit le raffermissement du tonus musculaire par de petites pulsations électriques. « À ce moment-là, il n’y avait rien de pareil ici, c’étaient des machines utilisées en médecine de réadaptation et en médecine sportive, il ne s’en vendait même pas au Canada. Il a fallu les importer d’Irlande. Mais on devait faire de la publicité et des reportages dans les médias pour l’expliquer aux gens, parce qu’ils étaient sceptiques au début », de dire Réal Veilleux. Presse
Pour ouvrir leur commerce, ils ont dû convaincre amis et parents qui n’y croyaient pas autant qu’eux. Après quelques mois cependant, les clients abondent. Il faut dire que, chez les gais, la tendance au bodybuilding prenait son envol, les hommes veulent avoir l’air plus bâtis, plus carrés.
L’électrostimulation les séduit
Il faut se rappeler qu’à l’époque, des hommes qui se déshabillaient pour s’installer des électrostimulateurs qui vont donner du tonus aux pectoraux, au ventre et aux bras ou aux cuisses, c’était presque limite.
“Nous avons dû nous informer auprès de la Ville si tout était en règle et nous assurer que ce type de commerce n’enfreignait aucun règlement municipal sur la moralité, ajoute Pierre Lacroix. C’était sérieux. […] Mais beaucoup de gens se déplaçaient du centre-ville pour venir chez nous, sur Jean-Talon. Tout se passait au centre-ville, dans l’Ouest. C’est Yvon Jussaume (propriétaire de la Boîte en Haut) qui nous a conseillé de déménager dans l’Est parce que les établissements gais commençaient à s’y installer. Nous avons donc déménagé l’année suivante (1984). Nous avons assisté et fait partie du développement du Village avec Priape, la Boîte en Haut, etc.”
Un nouveau départ dans Le Village
En 1984 donc, déménagement. Physotech s’installe dans l’édifice Amherst, au coin de Sainte-Catherine. Ce nouveau départ dans le Village signale aussi des services additionnels. MM Veilleux et Lacroix appellent cela “la phase II”. On y ajoute le bronzage, les bains flottants et les soins faciaux. L’esthétique suivra après. En 1989, trop à l’étroit sur Sainte-Catherine, Pierre Lacroix et Réal Veilleux feront leur nid sur Amherst, sur deux étages cette fois. À l’esthétique, on ajoute la coiffure et, suivant encore la mode, l’épilation. Ce service prend de plus en plus de place car les hommes veulent enlever ces poils qui cachent leurs muscles.
Pendant que leurs amis s’amusent
Lacroix et Veilleux, eux, passent leur jeunesse à travailler. Selon les soins qu’ils veulent prodiguer, ils participent à des ateliers et à des formations. C’est ainsi qu’ils étudient à fond la technique du bronzage et ses effets sur les différents styles de peaux. Tout cela, bien sûr, pour mieux servir la clientèle. “On a toujours voulu, dès le départ, être à la fine pointe de la technologie en termes d’équipements, souligne M. Veilleux. On a suivi des séminaires aussi pour savoir comment la peau réagit au bronzage, par exemple. Quand un client vient ici, on se renseigne s’il a eu des allergies, sur son type de peau, etc. On lui conseille ce qui est le plus adapté pour lui.
Nous sommes vraiment des professionnels. “Nous avons sensibilisé les hommes à bien se bronzer. On prend en charge le client, on lui prodigue des conseils sur les soins de la peau. Ici, ce n’est pas une usine à bronzage, on prend soin du client”, renchérit M. Lacroix. Les hommes, moins rustres!
Un rôle d’éducation
Si les hommes sont plus sensibilisés aux soins corporels aujourd’hui qu’autrefois, ce n’est toujours pas évident. “Il faut faire de l’éducation auprès des hommes pour qu’ils prennent mieux soin d’eux-mêmes, continue Pierre Lacroix. Il faut informer ces messieurs sur leur type de peau et les soins à y apporter avec des produits de qualité. Et il n’est pas nécessaire d’avoir une quinzaine de produits. C’est un mythe que l’esthétique nécessite une multitude de crèmes. Souvent, trois ou quatre suffisent. Il faut dire que c’est plus facile maintenant de conscientiser les hommes. On retrouve sur le marché toute une série de produits qui n’existaient pas auparavant, comme Biotherm, Nivea, Neutrogena ou Matis.”
C’est le même phénomène pour l’épilation. Lorsque les hommes viennent se faire épiler, nous leur suggérons des traitements aussi. Aujourd’hui, on parle plus de pilosité contrôlée, c’est-à-dire de bien entretenir le poil. Le courant s’est modifié et les hommes veulent garder un peu de poils parce que cela fait plus viril. Notre but premier est de bien prendre soin du client et d’une manière personnalisée. Il faut qu’il se sente à l’aise et en confiance”, de continuer Réal Veilleux.
Un avenir en douceur
Normalement, les entrepreneurs qui ont du succès réfléchissent et planifient l’expansion et voient plus grand pour l’avenir. La question brûlait les lèvres: pourquoi ne pas ouvrir d’autres succursales à Montréal ou dans d’autres régions? “On avait déjà pensé ouvrir un deuxième commerce, peut-être sur le Plateau Mont-Royal, comme une sorte de franchise, dit Pierre Lacroix. On a songé à franchiser des Physotech. Mais cela n’aurait pas été pareil, parce qu’on n’aurait probablement pas travaillé là, Réal et moi. Ici, les gens nous connaissent, ils savent qu’ils vont obtenir de bons services et qu’ils seront bien accueillis. Mais ce sont des choses sérieuses des succursales. On a une bonne réputation, donc on ne voulait pas prendre de risques. On aime mieux continuer ici avec notre équipe, c’est plus personnalisé, plus chaleureux.”
Encore un autre vingt ans
Infatigables, les deux responsables de cet institut de beauté croient qu’ils peuvent travailler encore un autre vingt ans. Après tout, ils n’avaient tous les deux que le début de la vingtaine lorsqu’ils ont débuté. Ils ont l’air encore solides, joviaux et ont la flamme qui brille au fond des yeux. Ils pourraient certainement vendre et prendre leur retraite, non?
“Nous sommes fiers d’avoir créé un tel commerce dans le Village et d’avoir amené les hommes à prendre soin d’eux-mêmes. Donc, même lorsque nous serons plus vieux, nous garderons Physotech. On y viendra peut-être une ou deux fois par semaine, pour voir les employés et les clients, les amis. Je ne crois pas que nous prendrons définitivement notre retraite. Nous ne sommes pas comme les hétéros qui peuvent léguer le commerce à leurs enfants. Nous n’avons pas d’enfants, donc nous allons continuer tranquillement, nous créerons ainsi de l’emploi. […] On peut faire un autre 20 ans comme ça. On va continuer à travailler tout en ayant du plaisir à faire ce que l’on fait”, de conclure avec humour M. Lacroix.